ADDIS-ABEBA- Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a prononcé dimanche à Addis-Abeba (Ethiopie), une allocution lors de la 33ème session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA), dont voici le texte intégral :
« Excellence, frère Abdelfettah Sissi, Président de la République Arabe d’Egypte, Président de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA, Altesses et Excellences, Souverains et Chefs d’Etat et de Gouvernement, M. Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’UA,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi, une heureuse opportunité qui, quelques semaines seulement après mon investiture, me permet de m’adresser à cette auguste assemblée et d’échanger avec vous tous sur nos préoccupations mais surtout sur nos attentes communes.
Il me plaît, avant de commencer, d’exprimer ma fierté de participer à cette Conférence et d’adresser mes chaleureuses salutations fraternelles à mes chers frères Chefs d’Etat et de Gouvernement et chefs des délégations des pays membres de notre Organisation, réaffirmant le profond et constant attache
ment de l’Algérie aux idéaux, valeurs et objectifs de notre Organisation continentale. Un engagement qui tire son essence de la profondeur de son enracinement dans la dimension africaine partant de sa
position géographique et découlant de son histoire séculaire.
J’aimerai saluer et remercier, en particulier, le frère Abdelfettah Sissi, Président de la République Arabe d’Egypte, pour son rôle pionnier et tous les efforts consentis durant la présidence assurée par l’Egypte, couronnée de résultats remarquables en termes de processus d’intégration continentale et de réforme institutionnelle et financière de l’UA. De même que je saisis cette occasion pour féliciter chaleureusement mon frère Cyril Ramaphosa, Président de l’Afrique du Sud, pour son élection à la tête de l’UA et
l’assurer de l’appui total et de la pleine coopération de l’Algérie en vue de réaliser le succès escompté durant la présidence en exercice de l’UA par l’Afrique du Sud.
Nous sommes persuadés que l’UA connaîtra, sous la présidence de l’Afrique du Sud, une nouvelle impulsion de l’action collective africaine en faveur de l’intégration régionale et un renforcement de la solidarité, de l’unité et de la cohésion entre les peuples africains en consécration des nobles idéaux qui ont guidés les pères fondateurs de notre Organisation continentale pour promouvoir la place et le rôle de l’Afrique sur la scène internationale.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
La présente session ordinaire de notre Organisation intervient dans un contexte particulier pour notre Continent, marqué par nombre de défis multiples comme le terrorisme, l’extrémisme, le trafic de drogues, la multiplication et l’exacerbation des foyers de tension et des crises, qui constituent une réelle entrave au développement de nos pays et à nos efforts collectifs dans la lutte contre la pauvreté et en faveur de la consécration de la justice sociale et de la réalisation des aspirations légitimes de nos peuples au progrès et à la prospérité.
Ces défis offrent à notre Sommet l’opportunité de réitérer notre engagement à œuvrer ensemble pour les relever, libérer l’Afrique des conflits et lui permettre d’axer les efforts et les énergies de ses enfants
sur le développement et d’aller de l’avant vers davantage d’intégration.
Sur cette question, il serait juste de dire que l’UA a franchi des pas considérables mais il faut reconnaître, néanmoins, que beaucoup reste à faire.
Aussi, voudrais-je saluer le choix pertinent du thème de notre session « Faire taire les armes: créer des conditions propices au développement de l’Afrique », un objectif tracé, il y a sept années, dans le cadre d’une vision stratégique globale en adéquation avec l’Agenda 2063.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
A l’instar de nombreux pays, l’Algérie a connu, depuis son indépendance, des moments difficiles, notamment durant la tragique décennie des années 90 lors de laquelle le peuple algérien a payé un lourd tribu pour affronter les périls du terrorisme et préserver la stabilité et la démocratie de son pays.
Des périodes douloureuses qui ont mis à l’épreuve la résilience de l’Algérie face aux difficultés mais le peuple algérien a su parfaitement puiser dans son génie propre les moyens de dépasser ces épreuves et de freiner leurs retombées par le dialogue, en ne comptant que sur lui-même sans aucune aide extérieure.
Tout comme durant sa Guerre de libération nationale, l’Algérie a hautement apprécié, dans ces moments difficiles, la solidarité des pays africains frères et c’est pourquoi elle n’a jamais failli à ses engagements à l’égard de l’Afrique, même dans les périodes les plus dures de son histoire.
Aujourd’hui, grâce à l’énergie salvatrice de son peuple et de sa jeunesse, l’Algérie est engagée dans une nouvelle ère pour la consolidation de sa démocratie et la réunion des conditions adéquates à son essor. La Nouvelle Algérie en édification demeurera fidèle à ses principes et engagements et jouera, dorénavant, pleinement son rôle en Afrique et dans le Monde.
Résolument décidée à changer son système de gouvernance et à construire un Etat garantissant la justice sociale et la suprématie de la loi, après l’élection présidentielle du 12 décembre dernier qui a permis au peuple algérien de consacrer, démocratiquement et dans la transparence, sa souveraineté populaire, mon pays s’apprête, à présent, à aller de l’avant dans le processus de réformes politiques, économiques et sociales afin de réaliser le changement escompté et construire une nouvelle Algérie forte, sereine et prospère, basée sur une gouvernance de transparence, la moralisation de la vie politique et la consolidation des libertés individuelles. Une Algérie contribuant plus efficacement au développement
du continent africain. Notre expérience réussie conforte notre conviction que le règlement des crises dans notre continent passe par la solution pacifique, le dialogue inclusif et la réconciliation nationale loin de
toute immixtion étrangère.
Partant de cette profonde conviction, l’Algérie s’attèlera, toujours et inlassablement, au soutien des efforts visant l’instauration de la paix et de la sécurité en Afrique.
De même que nous continuerons à appuyer les initiatives tendant à résoudre les conflits, défendre les causes justes des peuples militant et combattant pour le recouvrement de leurs droits fondamentaux et l’exercice de leur droit à l’autodétermination, principalement la cause palestinienne. Il faut établir un Etat palestinien indépendant conformément aux frontières de 1967 avec pour capitale El Qods Eccharif.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Notre monde semble confronté aujourd’hui à des défis inédits comme s’il s’éloignait des repères du Droit international et cadres multilatéraux qui avaient guidé la communauté internationale et permis de préserver la paix et la sécurité internationales, et au vu de sa vulnérabilité, notre continent subit souvent les contrecoups des chocs déstabilisateurs affectant le monde.
La crise du Sahel n’en est qu’une triste et regrettable illustration de cette réalité. En effet, la stabilité déjà fragile dans des pays tel le Mali s’est subitement dégradée au lendemain de la crise en Libye, sans
parler du Niger qui n’a pas échappé, comme nous le savons tous, aux attaques meurtrières contre son armée.
Avec la recrudescence des attaques terroristes sanglantes au Burkina Fasso et autres tentatives d’attentats dans des pays sahéliens, l’instabilité a fini par gagner tout le Sahel en dépit des efforts courageux des pays concernés.
Les pays du Bassin du Lac Tchad font face, avec le même courage et détermination, aux actes subversifs de Boko Haram à travers la Force multinationale mixte. Dans ce contexte, je tiens à réitérer la solidarité
de l’Algérie avec les pays frères affectés par cette violence barbare et à saluer leurs efforts et sacrifices ainsi que l’aide apportée par les pays amis et autres partenaires internationaux.
Je salue également les initiatives prises récemment pour développer les stratégies de lutte contre le terrorisme au Sahel, tant au niveau militaire que sur le plan politique, économique et diplomatique.
Sur tous ces fronts, l’Algérie n’a eu de cesse d’apporter sa contribution multiforme aux efforts consentis pour le rétablissement d’une stabilité durable en Afrique, en particulier au Sahel, que ce soit au niveau
bilatéral ou par le biais de mécanismes tels que le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) ou l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL) ou encore à travers le Centre africain d’études et de recherches sur le terrorisme (CAERT).
La contribution de l’Algérie sera renforcée dans les prochains mois, notamment à la faveur de l’évaluation des mécanismes susmentionnés, de même que son rôle dans la mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali.
A cet effet, je tiens à souligner que nous sommes résolus à continuer à apporter notre pierre à l’édifice du processus de paix et de réconciliation nationale au Mali et à œuvrer à la levée des obstacles susceptibles
d’entraver l’application de l’Accord de paix, issu du Processus d’Alger.
En Libye avec laquelle l’Algérie partage une longue frontière et un destin commun, la situation dramatique y prévalant continue de susciter notre inquiétude. Le peuple libyen frère ne mérite pas les souffrances qu’il endure aujourd’hui. C’est pourquoi, l’Algérie, fidèle à sa tradition diplomatique, a proposé d’abriter le dialogue entre les frères libyens, comme affirmé à Berlin et, plus récemment, à Brazzaville, lors du sommet du Comité de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur la Libye, tenu sous le patronage de mon frère le Président Denis Sassou Nguesso.
L’Algérie, qui plaide pour l’arrêt de toutes les ingérences en Libye, appuie fortement les efforts continu
s pour mettre fin durablement aux hostilités et réunir les conditions du dialogue entre les frères libyens,
unique et seul moyen de parvenir à une issue à la crise et d’éviter à ce pays africain d’être le théâtre des rivalités entre Etats.
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs,
Telle est la situation déplorable à nos frontières Est et Sud alors qu’à la frontière Ouest, la question du Sahara occidental n’a toujours pas trouvé de règlement. Depuis de longues années, l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de sécurité, appuyés par notre organisation
continentale, s’emploient à la mise en œuvre du plan de règlement de la question du Sahara occidental basé sur le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination.
Force est de constater, avec regret, que depuis la démission de l’envoyé personnel du Secrétaire général (SG) de l’ONU, Horst Kohler, le processus de paix onusien est sur une voie semée d’embûches. J’ai d’ailleurs adressé, il y a quelques jours, une lettre au SG de l’ONU pour l’exhorter à hâter la désignation de son Envoyé personnel et à relancer le processus de règlement de la question du Sahara occidental.
A ce titre, des efforts sincères et de bonne foi s’imposent dans la quête d’une solution à la seule question de décolonisation en suspens en Afrique.
Une solution qui garantisse le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination, à travers l’organisation d’un référendum libre et régulier conformément aux résolutions pertinentes de l’UA et de l’ONU.
Nous réaffirmons, dans ce cadre, notre attachement au caractère immuable de la position africaine en faveur de la juste cause sahraouie et du parachèvement du processus de décolonisation en Afrique loin de toute manœuvre de tergiversation et de la politique du statu quo.
A cet égard, je tiens à louer les réalisations majeures et la contribution efficiente de l’UA en matière de règlement des conflits et de consolidation de la paix aux niveaux continental et régional, mais aussi pour
l’édification d’un système de sécurité collective, à travers la mise en place des cadres institutionnels des mécanismes de paix et de sécurité, en vue d’opérationnaliser les processus de règlement pacifique et de mettre fin aux crises.
Je ne manquerai pas également de saluer les pas importants franchis par notre continent dans le processus d’intégration africaine, notamment à la faveur de l’entrée en vigueur de l’Accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et de la poursuite de la concrétisation des projets visant l’intégration régionale et le renforcement de l’infrastructure au titre de l’initiative du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).
A ce propos, l’Algérie s’enorgueillit de compter parmi les Etats qui ont d’ores et déjà ratifié le Traité portant création de la ZLECAf. Une démarche qui participe de sa foi ancrée dans la notion d’intégration
continentale et de son adhésion résolue à son processus de développement.
Un engagement qu’il appartient à nos pays de traduire en réalité palpable.
C’est un projet vaste et complexe qui devra faire appel au leadership africain pour maintenir la dynamique insufflée par cette grande initiative.
Je voudrais ici féliciter le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed pour l’obtention méritée du prix Nobel de la paix, en reconnaissance de ses efforts au service de la paix, en particulier son rôle dans la
réconciliation entre son pays et l’Erythrée. L’Algérie a eu, dans le différend entre les deux pays, un rôle de médiation qui a abouti à la signature de l’Accord d’Alger. En effet, l’amélioration des relations entre
ces deux pays a ouvert la voie à une nouvelle ère de coopération dans la région de la Corne de l’Afrique.
En foulant le sol de l’Ethiopie pour la première fois, j’aimerais rendre hommage à ce grand peuple et à ce grand pays pour son engagement africain constant et sa position immuable en faveur des causes ju
stes en Afrique et dans le monde.
Par ailleurs, je tiens à saluer l’évolution positive de la situation au Soudan et exhorter le Gouvernement et les autres parties soudanaises à poursuivre leurs efforts en faveur de la paix. De même que j’adresse mes
encouragements et mes vœux de succès aux responsables au Soudan du Sud, en République centrafricaine et en Somalie.
L’Algérie qui suit de près et avec grand intérêt les développements positifs dans la région des Grands Lacs, invite les Etats de la région à poursuivre leurs efforts visant à consolider la confiance et à mettre un
terme aux activités des groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo et aux souffrances infligées à la population congolaise.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
L’Algérie demeure disposée à contribuer au renforcement de l’intégration régionale et aux efforts permettant à notre continent de prendre en charge lui-même ses problèmes et d’en finir avec sa marginalisation dans les relations internationales et l’économie mondiale pour prendre son destin en
main et s’approprier son processus de développement dans toutes ses dimensions.
L’intérêt suprême accordé par l’Algérie aux projets structurants, à l’instar de la Route transsaharienne, la Dorsale transsaharienne à fibre optique et le Gazoduc Nigeria-Algérie, n’est que la preuve de sa volonté de faire de l’intégration régionale une réalité.
L’Algérie ne saurait ignorer les pays frères et voisins, encore moins le continent africain dont elle est partie intégrante et le prolongement naturel. Cette africanité, nous l’avons quelque peu occultée, ces dernières années, parce que focalisés sur nos affaires intérieures, mais nous sommes aujourd’hui résolus à y revenir, rapidement et fortement, dans le cadre renouvelé de l’Union africaine et au niveau des relations bilatérales.
Dans cette optique, j’ai décidé d’imprimer une nouvelle dynamique à la coopération internationale de l’Algérie, notamment en direction des pays frères en Afrique et au Sahel.
Une volonté politique qui se traduira par des mesures concrètes et immédiates. Ainsi, j’ai décidé la création d’une Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement (ALDEC) à vocation africaine, qui aura pour principale mission la concrétisation sur le terrain de notre volonté de renforcer l’aide, l’assistance et la solidarité avec les pays voisins, notamment les pays frères au Sahel.
Tous les domaines de coopération seront couverts par cette agence qui sera dotée de tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions à travers la réalisation de projet concrets et utiles. J’en suivrai personnellement les programmes et je m’efforcerai de placer à sa tête une personnalité ayant les compétences et le savoir-faire requis pour la réalisation de notre aspiration à une solidarité fraternelle.
Altesses et Excellences, Souverains et Chefs d’Etat et de Gouvernement,
En me joignant à vous aujourd’hui ainsi que d’autres homologues, je compte sur votre coopération et je vous assure de ma pleine disponibilité à œuvrer avec vous à la consécration des objectifs tracés par les pères fondateurs de notre organisation continentale pour une Afrique prospère et en paix.
A deux jours de la commémoration de l’anniversaire de la sortie de prison u leader sud-africain Nelson Mandela, je reprend ses propos qui sont en adéquation avec le thème de notre présent sommet, quand il avait dit : « Nous travaillerons ensemble pour soutenir le courage là où il y a la peur, pour encourager la négociation là où il y a le conflit, et donner l’espoir là où règne le désespoir ». Je vous remercie de votre attention ».